à vous...
Si je fais ce message, c'est parce que ma mère a reçu un message de ma grand-mère (donc de sa mère) qui voulait lui parler sérieusement. Elle disait qu'elle "envisageait des solutions". Or, il n'y a pas de solution sans problème, et moi, je n'ai pas de problème. Et puis de toute façon, elle n'a surtout pas à se mêler de ça.
Alors voilà, c'est un gros coup de gueule, contre tous ceux qui pensent savoir ce que je dois faire, contre tous ceux qui ne comprennent toujours pas comment on peut décemment arrêter l'école, et surtout envisager de ne même plus suivre les cours par correspondance. Parce que j'en ai marre de tout ça, je n'ai pas besoin de leur conseils, et pour moi, il me reste une chose, une chose essentielle, que personne ne pourra m'enlever : ma conviction.
À vous, parents, amis, proches ou lointains, à vous, personnes qui comptent dans ma vie, à vous personnes qui ne comptent pas pour moi aussi, à vous qui vous inquiétez pour moi. Je veux vous dire d’arrêter, d’arrêter vite !
Inquiétez-vous si vous voulez, je comprend fort bien qu’une jeune fille de mon âge qui ne va plus à l’école, ça inquiète, parce que dans cette société où il faut toujours plus, toujours plus de diplômes, toujours plus d’acharnement, toujours plus de tout pour pouvoir faire autre chose que bonne à tout faire, on a du mal à comprendre comment on peut raisonnablement s’arrêter comme ça, sans même le bac en poche ?
Inquiétez-vous tant que vous voudrez, ça m’est égal ! Mais ce n’est pas en me disant « essaye au moins de faire ceci, de faire cela, de suivre les cours du CNED, de décrocher ton bac, autrement tu ne pourras rien faire ! » que vous allez me décider à faire quelque chose ! Plus vous en rajouterez, moins je serais motivée. C’est comme ça. Ça a toujours été comme ça.
Inquiétez-vous si vous voulez, mais ne demandez pas « Et tu vas faire quoi plus tard ? », avec ce ton qui, consciemment ou inconsciemment, cherche à me culpabiliser, à me dire que je me fais du mal à moi-même à terme en arrêtant mes études. Si vous me demandez ce que je compte faire, là, tout de suite, maintenant, pour gagner de l’argent, c’est facile : la manche ou le trottoir. Ouais... parce que c’est comme ça, ceux qui continuent, on ne leur demande pas comment ils feraient s’il devaient gagner de l’argent, là, tout de suite. Mais ceux qui s’arrêtent, à un âge où ceux qui volent déjà de leurs propres ailes sont forts rares, eh bien on leur demande. Alors voilà. Tout de suite, maintenant, la manche ou le trottoir. Et plus tard ? Aaaaaah ! Voilà qui est nettement plus intéressant.
Plus tard, je veux faire un métier que j’aime, que j’ai toujours aimé. « Sans diplômes, tu ne pourras pas faire ce que tu aimes. », c’est ça qu’on veut nous faire croire. Si on veut être architecte, ça, aucun doute, c’est la triste vérité. Moi, le métier que j’aime, il ne demande pas de diplômes. Est-ce qu’on demande à un peintre s’il a bac+10 ? Est-ce qu’on demande à un écrivain s’il a un diplôme scientifique ? Non. Voilà. Et je vous emmerde, et tant pis si je vous choque. « Oui, mais tu ne voulais pas être réalisatrice aussi ? C’est quand même bien de faire l’école de cinéma pour ça, non ? Et pour entrer dans une école de cinéma, il faut le bac. » Ah, oui, je voulais – et je veux – être réalisatrice. Ouais. Mais c’est pas pour autant qu’il faut avoir le diplôme qui est assorti pour le devenir. Ça peut aider, éventuellement, si on l’a. Mais on peut savoir faire même sans le bout de papier qui en atteste.
Vous savez quoi ? Je sais que j’y arriverais. Je le sais. Et je vous prouverai, à vous tous, à vous qui doutez, que je ne rêve pas.
Alors, si vous voulez vraiment, inquiétez-vous. Mais ne me faites pas pleurer en me disant que « il faut qu’on parle, on peut envisager des solutions pour toi ». Je n’en veux pas, de vos solutions, foutez-moi la paix ! J’irais encore au lycée, et même si ça me rendait malade, 95 % des gens penseraient qu’il n’y a pas de problème ! (Puisqu’elle va à l’école, puisqu’elle a des bonnes notes, tout va bien ! Ouais, ben je vais vous dire : on peut avoir de mauvaises notes et se sentir bien à l’école. Mais on peut aussi avoir de bonnes notes et s’y sentir très mal.) Et là, je n’y vais plus, 99,9 % des gens sont catastrophés. Eh bien les 99,9 % peuvent aller se faire voir, et j’embrasse bien fort les 0,1 % qu’il reste. Parce que depuis que je ne vais plus à l’école, moi, je ne me suis jamais sentie aussi bien...