c'est décidé !
Ce matin-là, en fermant la porte de la maison, vous étiez bien décidée : vous alliez lui parler. Vous y avez pensé toute la soirée d’hier, toute la nuit et toute la matinée. A un point que vous n’avez pas fermé l’œil, et que vous avez des cernes de trois kilomètres sous les yeux. Pas terrible pour une déclaration de cet ordre. C’est pourquoi vous avez passé une heure dans la salle de bain, à essayer de masquer ces poches béantes qui vous rendaient quatre fois plus horrible qu’à l’ordinaire – ce qui est peu dire !
C’est plus que raté : ce fond de teint, votre seul et unique fond de teint, vous l’aviez acheté cet l’été, lors de vos vacances sur la Côte, d’où vous étiez revenue avec un bronzage de rêve. Mais au mois de novembre, votre peau a bien éclairci, et on dirait plutôt que vous vous êtes tartinée du Nutella sur la figure. Un peu désespérée, vous enlevez le tout. Et c’est à cet instant, précisément, que vous vous apercevez que votre mascara a coulé, et que votre eye-liner s’est fait la malle. Dans la cuisine, votre mère tempête que vous allez être en retard. Ni une, ni deux, plus tellement le choix : vous dégainez une lingette démaquillante, en renversant au passage la bouteille d’eau de toilette qui – pas de chance – était ouverte. Vous déboulez dans la cuisine, avalez une gorgée de lait, attrapez un biscuit au vol, et vous vous précipitez dans l’entrée – en oubliant au passage votre sac, que votre mère vous rapporte en vous sermonnant.
Voilà, ça y est, vous êtes dehors. Il faut y aller. Vous allez le lui dire. Mais en attendant, il faut attraper le bus de huit heures et demie. Ce bus, exactement, qui vient de passer devant vous.
Enfin, vous arrivez. La grande porte est déjà fermée, vous vous faufilez discrètement dans le hall. Dans la cour, il n’y a pratiquement plus personne. Mais – ô miracle ! –, votre classe n’est pas partie. Et surtout… il est là ! Il va falloir se lancer. Ça y est, il va savoir. Que va-t-il penser ? Mais vous êtes déterminée, vous DEVEZ lui parler. Vous respirez un grand coup, et, prenant votre courage à deux mains, vous faites le grand saut… :
« Monsieur ? Je suis désolée, mais j’ai oublié mon livre de maths dans mon casier, et je n’ai pas pu faire les exercices ! »